Portrait d’une maman d’enfant extraordinaire – L’interview d’Elisabeth


Les Interviews Inspirantes / jeudi, août 1st, 2019

Pouvez-vous vous présenter vous et votre tribu ?

Je suis Elisabeth, avec mon mari Jean-Philippe nous sommes les heureux parents de Gabriel et Christian depuis le 24 avril 2018. Quand nous avons appris la trisomie 21 de Christian, et devant le manque cruel d’informations sur ce handicap, nous nous sommes décidés à partager un peu de notre quotidien sur Instagram et Facebook. Cela dans le but de contribuer au changement tant espéré de regard sur ces personnes, et en partant d’une question : « si ce ne sont pas les parents qui montrent ce qu’est vraiment la trisomie 21 de leur enfant, qui le fera ? ».

Pouvez-vous définir votre parentalité en 3 mots ?

Bonheur, joie et surtout patience 😂. 

Lors de votre grossesse de vos deux adorables garçons, saviez-vous que Christian était atteint de la Trisomie 21 ?

Nous n’avions pas souhaité faire les tests de dépistage en début de grossesse pour plusieurs raisons. Les clartés nucales étaient fines et très loin d’être inquiétantes, nous ne voulions pas prendre de risque avec un test invasif (simple prise de sang non fiable pour une grossesse multiple), le résultat n’aurait rien changé à notre volonté d’accueillir ces deux enfants que nous avions la chance d’attendre, et avec le frère de Jean-Philippe porteur de trisomie 21, on se disait qu’il y avait peu de chances que cela retombe sur notre famille à nouveau ! Toutes les échographies se sont très bien passées à chaque fois. Et puis à 7 mois de grossesse, suite à un souci de croissance non lié à la trisomie, j’ai été envoyée au Service des Grossesses à Haut Risque dans une maternité de niveau 3. Là-bas, un gynécologue a découvert la cardiopathie de Christian, une Communication Inter Ventriculaire, passée inaperçue jusque là. Dans la foulée, on m’a emmenée faire une amniocentèse, ce souci pouvant être lié à une anomalie chromosomique. Deux jours plus tard, nous avions le résultat annonçant la trisomie 21.

Maman d’un petit garçon extraordinaire, quelle a été votre première réaction à l’annonce de la Trisomie 21 ?

Nous avons eu deux jours pour nous « préparer » à l’annonce d’une éventuelle trisomie, tout en se disant que ça serait quand même incroyable. Nous étions au clair sur le fait que cela ne changerait rien à l’accueil de ce bébé qu’on aimait déjà tant, et qu’on était prêts à faire beaucoup pour l’aider à grandir au mieux, mettre toutes les chances de son côté. Juste après l’annonce, bien sûr il y a eu quelques larmes, la peur d’une maman pour son enfant qui connaîtra probablement la discrimination et les méchancetés. Mais nous avions l’exemple de mon beau-frère et ma belle famille, nous savions que Christian saurait aussi se faire plein d’amis, aller à l’école, évoluer à son propre rythme comme tous les enfants, et plus tard avoir un emploi et une certaine autonomie, et tellement d’autres belles choses. Nous n’avons pas eu besoin de faire ce « deuil » de l’enfant parfait tant attendu, parce qu’on sait que dans tous les cas le bébé parfait n’existe pas, on ne sait pas de quoi l’avenir sera fait, trisomie ou pas, on ne peut qu’espérer le meilleur pour nos enfants. Nous savions que l’avenir allait être parsemé de quelques embûches, à cause de la méconnaissance et la peur de ce handicap par la société. On s’est aussi dit que c’était une nouvelle aventure qui commençait et qu’on allait tout faire pour qu’elle soit la plus ordinaire possible, même avec ce troisième chromosome en plus, d’où le nom de notre page.

Avez-vous déjà vécu la moquerie, les regards insistants, la pitié de la part des autres et si oui, comment avez-vous réagi ?

Nous n’avons jamais eu de moqueries ou de mauvais regards, pour la simple et bonne raison que quand on voit Gabriel et Christian, on voit deux adorables bébés souriants et très éveillés ! Les passants qui nous arrêtent n’ont pas le temps de remarquer la trisomie. Si on en vient à échanger un peu plus et qu’on mentionne la trisomie, certains ont effectivement une moue qui ressemble à de la pitié, mais comme nous en parlons avec le sourire, sans tabou, et qu’ils voient les grands sourires des garçons, ils ne s’attardent pas dessus. Certains se montrent un peu plus curieux et nous sommes très contents de prendre plus de temps pour leur en apprendre un peu plus sur ce handicap. Et pour nos familles et nos proches, il n’y a que bienveillance et attentions envers les garçons. Les gens qui se sentent désolés pour nous sont, la plupart du temps, ceux qui connaissent le moins la trisomie 21.

Gabriel et Christian grandissent en même temps, comment expliquez vous à Gabriel le handicap de son frère ?

A 14 mois, ils sont encore beaucoup trop petits pour se rendre compte d’une quelconque différence. J’imagine qu’ils se considèrent comme deux amis, toujours l’un à côté de l’autre. Ils font tout ensemble, ils commencent à se jalouser, se disputer mais passent la majeure partie de leur temps à jouer et rigoler ensemble. Quand ils seront assez grands pour comprendre et poser leurs propres questions, nous leur expliquerons très certainement que le hasard de la vie a fait (et bien fait) que Christian a ce petit chromosome en plus, que ces différences ne sont pas une mauvaise chose, bien au contraire : plus de simplicité, plus de bienveillance, plus de tolérance, plus de joie, plus d’entraide dans la famille, pour ne citer que cela. Notre espoir est que l’exemple de Christian via nos partages serve à renverser les clichés que l’on entend encore sur la trisomie 21 : famille malheureuse, enfant sans possibilité d’avenir, sans autonomie possible, dépendant toute sa vie. Nous sommes intimement convaincus que l’environnement et l’entourage d’un enfant sont primordiaux pour son développement, handicap ou non, et nous appréhendons l’avenir de Christian tout comme celui de Gabriel, parce que ce sont nos enfants, pas parce qu’il y a un handicap ou non : les résultats à l’école, les fréquentations, la vie professionnelle, la santé… des interrogations qui inquiètent tous les parents, handicap ou non.

Quelles sont les plus grandes difficultés que vous rencontrez au quotidien ?

C’est de plus en plus difficile de trouver du temps pour faire ce que j’ai à faire, avec les garçons qui sont passés de deux à une sieste par jour, leur besoin croissant d’attention et Gabriel qui gambade partout en fouillant les moindres recoins de l’appartement ! Après le congé maternité je n’ai pas pu reprendre mon emploi donc je ne peux pas parler des difficultés d’organisation de vie professionnelle et vie familiale. Sinon, ils dorment, mangent et tètent en même temps donc pas de souci particulier au niveau de l’organisation, si ce n’est d’avoir pu préparer au moins leurs repas en avance ! Dans tous les cas, nous avons de la famille autour de nous, toujours prête à rendre service si besoin, et ça c’est une grande chance. Parce que pour nous la difficulté ce n’est pas la handicap, qui ne change rien à notre quotidien, c’est le fait d’en avoir deux en même temps ! Mais comme je disais, au moins ils sont calés sur le même rythme, et ça c’est plutôt pratique.

Où et comment puisez-vous votre force pour gérer vos enfants au quotidien ? 

Ça va paraître cliché mais je dirais dans l’amour et les sourires de ma famille, la voir heureuse est ma plus grande motivation. La trisomie de Christian ne me demande pas plus de courage ou d’effort, j’en viens presque à l’oublier parce que pour nous, Christian est avant tout notre petit garçon avec des besoins primaires identiques à tous les bébés. Après, il a besoin de plus de stimulation et d’aide pour son développement donc je l’emmène à ses rendez-vous hebdomadaires avec Gabriel, qui lui en profite pour faire son curieux et s’amuser aussi. Tout comme je le ferais si un autre de mes enfants se retrouvait à avoir besoin de soins particuliers. Moi même quand j’étais petite j’ai eu besoin de séances d’orthophonie par exemple. Il n’y a pas que les trisomiques qui ont besoin de suivi ou de soins, ça se saurait sinon !

Quels conseils donneriez-vous à des parents dans la même situation que vous ?

Chaque famille a sa propre histoire, mais je conseillerais avant tout de se faire confiance, et de faire confiance à ses enfants. On ne naît pas parents (comme disait ma maman il n’y a pas de diplôme de parents !), on le devient. Beaucoup pensent qu’ils n’auraient pas la force de s’occuper d’un enfant trisomique, mais la force et le courage on les découvre et on les puise au fur et à mesure des événements et des regards sur notre enfant. Cela ne sert à rien de faire des plans sur la comète, personne ne peut dire de quoi l’avenir sera fait, on peut juste essayer de fournir les meilleures armes à nos enfants pour qu’ils puissent y faire face, en ne cessant jamais de les aimer. 

Quel est votre leitmotiv (phrase, citation, expression, texte, etc. qui vous motive en toutes circonstances) ?

Si je devais choisir un texte ça serait celui de Mère Térésa. Il a pris un sens tout particulier avec l’arrivée de Gabriel et Christian, et nous en avions d’ailleurs extrait quelques phrases pour leur faire-part : 
 » La vie est un combat, accepte-le. La vie est une tragédie, prends-la à bras le corps. La vie est une aventure, ose-la. La vie est bonheur, mérite-le. La vie est la vie, défends-la.  »    

Merci Elisabeth pour ce joli témoignage et pour votre engagement qui je l’espère changera les mentalités à propos de la Trisomie 21. N’hésitez pas à réagir en commentaire.
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